Retour aux sources

Publié le par LaBalzacienne

Retour aux sources

Ici, je ne suis pas chez moi. Ici, il fait froid.

Quand les couleurs d'automne commencent à envahir le pays où je vis, mon esprit se languit de celui d'où je viens.

Mes racines sont ancrées dans une terre maintes fois foulée par des touristes de tous horizons et où le mythe côtoie la raison.

Au coin de la plupart de ses rues, de petits kiosques trônent fièrement, jouxtant, la plupart du temps, une petite chapelle orthodoxe dont la construction remonte à bien longtemps.

Bien des récits la décrivent et loin de moi l'idée d'en dresser un tableau de plus.

Non, l'image que j'en ai est chère à mon coeur car c'est celle de mon père riant à gorge déployée, assis à la terrasse d'un café du Pirée.

Quand il s'exprime dans sa langue maternelle, c'est comme une poésie qu'on murmure à mon oreille.

Il a les yeux qui brillent et les traits détendus, mon père, quand, sous le ciel bleu du mois de juin, il attend patiemment le bateau qui le mènera jusqu'à K., l'île où, cachée dans la baie des trois B, se niche sa jolie maison blanche aux volets bleutés.

Une oasis dans un désert, un petit coin de paradis sur terre.

Je ne me lasse jamais de le regarder quand, après avoir passé une année à se consacrer aux autres, il prend enfin le temps de se reposer.

Là, assis autour d'un tavli et un café à la main, nous rions de tout et n'importe quoi comme s'il n'y avait que lui et moi.

Là-bas, ce n'est pas chez moi. Là-bas, on ne me connaît pas.

Quand le soleil inonde la terrasse de notre maison et qu'au loin, les traces laissées par les ferries dans la mer Egée s'effacent, mon esprit se dit qu'il manque quelqu'un dans ce tableau paradisiaque.

Si certes la fin de l'été résonne en moi comme le glas de mon bien-être, il signifie aussi le retour vers ma terre natale, mon ancre, mon roc...ma mère.

La seule personne sur terre à savoir lire en moi comme dans un livre ouvert.

Quand elle déplace des montagnes pour m'aider et que sa ténacité ébranle les obstacles de la vie, c'est de fierté que mon coeur se remplit.

Et lorsque c'est le sien qui, parfois, montre quelques défaillances, j'angoisse à l'idée que la mort vienne un jour briser notre alliance.

Elle a les yeux plein de malice et un sourire magique, ma mère, quand, assises toutes les deux sur un banc, nous nous moquons gentiment des passants.

Je ne me lasse jamais de la regarder quand, après avoir passé une année à soulager la souffrance de ceux qui rejoignent l'autre monde, elle prend enfin le temps de s'arrêter quelques secondes.

Là, couchée sur son transat, un livre à la main et coiffée d'un chapeau ridicule pour se protéger du soleil, elle a comme un air de jeune fille fragile qui me rappelle que chaque instant passé avec l'un de mes parents est une merveille.

Je ne suis donc ni d'ici ni de là-bas, une hybride, un mélange d'olive et de pomme Jonagold. L'acide côtoyant le sucré, le feu de la passion mixé au calme de la raison.

Le fruit du mélange de ces deux êtres exceptionnels, voilà ce que je suis.

Ils m'ont offert un cocon où grandir et aujourd'hui, je deviens enfin papillon mais avant de prendre mon envol, je voulais revenir aux sources, m'arrêter quelques instants pour prendre le temps... celui de dire "merci", tout simplement.

Publié dans hommages

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Merci beaucoup pour tous ces commentaires qui, comme d'habitude, me touchent énormément ;-) Bon dimanche à tous!
Répondre
R
Ce texte est d'une très grande beauté. Il fait passer beaucoup de sentiments, les mots coulent tous seuls comme s'ils avaient toujours été assemblés ainsi... Très bel hommage à tes parents, à tes racines. Sublime! :D
Répondre
M
"Le fruit du mélange de ces deux êtres exceptionnels, voilà ce que je suis."<br /> ça sonne joie du papillon qui s'envole pour porter du fruit ! fruit au bon goût de la poésie pleine de tendresse et d'humanité !
Répondre
S
Comme c'est beau!!!! Bénis soient ceux ,qui avec des mots si beaux, et des phrases si jolies, savent exprimer le plus profond d'eux-mêmes. Cela me touche profondément. Stakoulis.
Répondre
J
La Grèce est éternelle, elle va le rester longtemps encore.
Répondre